°¤ Funeste Avenement ¤°

Au centre du Cratère Nord :

Sous le miasme sordide de la glèbe ombreuse se mouvaient les lignes serpentueuses d’un corps ingambe et glabre. La brumaille vaporeuse se déroba peu à peu pour mieux peindre la silhouette opaline de la Calamité.
La chevelure lactescente chutait avec caprice sur la peau virginale et la risée fit naître un frisson sur le derme parfait. Les billes roulèrent en leurs orbes tréfilés avant de se poser sur les mains tendues devant le minois éthéré. Les lippes pleines s’ourlèrent en un sourire entendu avant que d’entre elles s’échappe le souffle mielleux de l’Alien qui marchait à travers les débris éclatés de pierres enfumées et inerte, vestige de l’esclandre fratricide entre le feu du ciel et de la Terre.
La Sempiternelle arpentait cette zone sinistrée depuis deux millénaires mais ce n’était qu’à cet instant qu’elle avait le funeste loisir de savourer l’insipide fumet de la Rivière de la Vie.

Les pieds traçaient leur chemin dans le limon glacé, laissant derrière eux les empruntes hâves et timides pour cesser leur course ébauchée au dessus de la fondrière fumante et piaffante, trépidante ravine qui serra la gorge menue de la jeune femme à lui en donner la nausée.
Les lèvres nivéennes se ployèrent et les iris d’émeraude se firent plus aiguisées. Les traits saumâtres s’attendrir lorsque enfin elle l’aperçu… Le berceau de mako laissait ondoyer sur son flanc sage une masse informe et vitreuse et si les perles fendues de l’extraterrestre n’avaient possédé cette rigueur de perfection, elle n’aurait pu reconnaître celui qui reposait dans ce cocon. Les lueurs vacillantes du lifestream illuminaient la Matriarche avec effronterie, celle là même qui déjà tendait sa main vers la coquille en laissant choir ses paupières liliales, puis, sans pour autant trahir le religieux silence dont elle s’était mu, Jenova fit appel à son Héritier.

« Sephiroth, il est temps pour toi de t’éveiller. Bien des années se sont écoulées mais aujourd’hui tu n’es plus seul. Je suis ici, Sephiroth, lèves-toi. »

Le fluide ruisselant de sa voix sucrée sillonna les parois rocheuses de la cavité avant d’échouer avec la douceur d’une plume sur le ventre de la conque de mako, puis elle s’insinua, perfide, dans la matière translucide et dans l’esprit du Guerrier telle une veine noire serpente le marbre et le touche au cœur. D’abord murmure, l’ex-Soldier put presque sentir son souffle chaud et aimant au creux de son oreille… « Sephiroth… » mais alors qu’il saisissait peu à peu les quelques palabres de la Dame, le marmonnement devint une voix claire, puis une voix forte et raisonnante tel le glas tempétueux d’un clocher aux aboies « Sephiroth… Leves-toi !! » et qui ne souffrirait pas le refus…

Sommation.

Ombres et Lumières… enchevêtrement de sensations aux allures multiples et aux teintes si complexes. Le Cratère Nord, lieu de miséricorde dans lequel les hommes n’osaient se lancer, la crainte de l’atrocité les étreignant bien trop. Dessinée sur les parois rocheuses sur lesquels s’écoule un liquide pastel, les contours d’une Légende naissaient. Crainte des hommes, Protectrice Millénaire, l’Arme se dresse, ensommeillée par le temps et la paix. Plus loin encore, au dessus des reflux de la Matricielle Rivière se distingue, enchevêtrée sous les branchages luxuriants de cette Terre Sacrée, un cocon cellulaire fait de Mako, prison irréelle de l’Ange Meurtrier. Plongé dans un sommeil semblant irréversible, le puissant Soldat, dont le corps semblait n’avoir nullement souffert de ce voyage, semblait jouir du repos des braves, attendant le réveil qui le mènerait à sa Destinée.
Surgit alors, des méandres d’un passé chaotique, l’essence inhumaine à l’état pur, la Calamité oubliée, empreintes colorées du génome prisonnier de l’énergie vitale. Silhouette gracile, douceur inaltérable contrastant avec l’aura d’une noirceur infinie, la Dame savourait cette résurrection incroyable. Réalité impensable, elle assimilait aisément ce lieu qui l’avait recrachée, la ramenant à une existence qu’elle avait abandonnée contrainte plusieurs millénaires auparavant. Poursuivant sa démarche chaloupée, elle approchait irrémédiablement de celui qu’elle nommera Fils, l’Ange perverti transformé en machine nihiliste aux ambitions inaltérables. Observant un instant cet enfant aux minois parfait, elle put constater leur similitude. Ainsi l’appel fut sincère, la Dame ressentant le besoin de connaître cet enfant digne de ces rêves, mieux encore qui rendrait possible son Utopie.
L’Appel fut lancé. Mais rien n’y répondit. Trépignant face au refus de l’endormi, la Dame put ressentir la puissance de cette cellule planétaire née du Périple de l’Ange au travers des entrailles de ce Monde, y découvrant ses secrets, mais en subissant les représailles. Puis, indistinct, le minois fin de l’Emprisonné sembla s’éveiller. Subtil mouvement, les lèvres se muèrent d’un sourire heureux, unique réponse à la demande maternel. Bientôt la Réunion existera, mais l’heure était encore au repos pour ce corps usé par les turpitudes du mouvement de la Matrice.
Le bruit de bottes sur ce sol qu’aucun n’oserait fouler attira alors l’attention de la désormais Maîtresse des lieux. Le vêtement sombre, la longue chevelure opaline bercée par le courant venteux, la démarche droite dénotant d’une inestimable croyance en soi, il arrivait près de ce lieu de réunification familiale. Défiant toute logique, l’Ange semblait doté du don d’ubiquité, à la foi prisonnier et libre, il faisait face de part et d’autre de la Dame aux allures de jouvencelle. Arrêtant sa marche à quelques mètres d’elle, il déposa avec élégance son genou droit sur le sol humide. Sur le visage d’ordinaire impassible naissait les effluves d’une émotion infantile, le regard lumineux et le sourire tendre dénotant l’affection spéciale qui étreignait le cœur de cet homme à la puissance légendaire. Puis, enfin, vinrent le premier échange entre les Parents, ces derniers étant prodigués par le Fils.

Mère…
Est-ce un rêve ? J’ai ressenti votre présence sans oser croire à votre retour en ce Monde qui ne méritent pas que vos pieds en foulent le sol. Je… suis heureux de vous rencontrer… enfin.

Instant émotionnel intense, l’insensible ouvrait son cœur à celle qui était son inspiration depuis ce funeste jour durant lequel, découvrant ses origines, il avait buté sur cette humanité décadente qui lui avait offert un voyage qu’ils imaginaient sans retour au cœur de Gaia.

Ce corps enfermé est l’Originel. Mais n’ayez crainte, il se repose, attendant d’accumuler assez de puissance pour écraser de son poing ces humains déliquescents. Votre présence accélèrera ce processus ô Mère. A son réveil il sera alors enfin complet, empli de pouvoir et d’amour pour vous.

La voix suave, le minois enchanté, le Fanatique révélait ses ambitions sans pudeur à sa Génitrice, attendant avec une impatience contenue sa réaction, plus encore, espérant le partage de ses sentiments.

Les rondeaux du borée chargé de relents poussiéreux encerclaient le cratère enténébré pourtant le silence n’outrepassait pas son droit en laissant les soupirs languides de la Calamité s’exhaler sans contraintes. Une myriade de fils d’argent embrasait l’exquis linéament du minois vertueux et les pétales opalins s’éclissèrent en exhibant l’obséquieuse mignardise tout en épiant l’ardent cheminement de son enfant.
Qu’il était beau cet Être… C’eut été vanité pour l’Humanité que d’affirmer qu’il existait en son sein un homme aussi parfait. La moindre de ses cellules dégouttait d’un parachèvement aux attraits divin, son corps était lié par une musculature développée et une finesse insolente, sa stature rappelait celle des anciens Héros, inflexible et puissante et sa beauté voilait celle du grand Astre. Il était étrange de penser que cette race misérable de Déguenillés soit parvenue à se servir à si bon escient de ses cellules…

Les courbes arachnéennes s’arquèrent en frottant la peau hâve et soyeuse tandis que Sephiroth mettait un genou à terre. Mais alors quelques funestes songes envahirent son esprit fielleux, redessinant son visage éthéré dans une haine presque palpable.
Comment avaient-ils osé… Ces abjectes créatures avaient non seulement touché à son corps mais s’étaient servit de lui pour créer des hybrides pour leur propre compte. Ils avaient souillé sa chair en l’étudiant sous tous les angles qu’ils croyaient possible, piétinant la noblesse qui lui était du. Elle était humiliée aujourd’hui d’avoir été ainsi bravée et sa vengeance serait telle que cette belle Humanité, jamais ne se relèverait. C’était une promesse à elle-même…

Ses perles émeraude s’exorcisèrent de toute animosité lorsqu’elles se posèrent sur son Héritier. Elle n’était pas en colère contre lui… Bien au contraire, il était sa fierté. Bien qu’une parcelle d’humanité subsistait en lui il avait tant éprouvé ce monde -et cette simple idée la fit frémir de plaisir- qu’il méritait son amour. Après tout, n’était-ce pas ce qu’il avait cherché depuis toujours ? Mais pouvait-elle seulement en offrir… Elle qui n’avais jamais endurer ce sentiment par préférance était là confrontée à un choix cornélien.
Jenova n’avait cillé lorsqu’il s’était abaissé et mille rêves avaient transcendé son âme en ces quelques secondes mais enfin elle se détacha de sa posture froide et distance et remua son corps dénudé avec une grâce reptilienne, les mains venant cajoler le faciès de son enfant, enfonçant son regard cristallin dans celui de Sephiroth qui pu y lire ce qu’il attendait… De l’Amour.

"Mon Enfant… -Elle l’invita à se relever, sans pour autant le lâcher- comme je suis fière de toi. Tu ne t’es pas laissé envahir par le versant humain qui t’avait créé. Je t’ai suivit... Et chaque goûte de sang qui tombait sur tes lèvres, je pouvait les savourer."

Les doigts fuselés glissaient dans la chevelure platine et sur la peau douce, caressant sa joue contre celle de son Elu avec une tendresse féline, laissant s’échapper de sa bouche aimante des murmures mielleux et fraternels. Merveilleuses retrouvailles qui sonnaient le glas de l’achèvement de l’ère des Hommes.

Funeste avènement pour l’Humanité que celle de ces deux Nihilistes liés génétiquement. La douceur, contrastant avec la noirceur de ses Âmes, dominait cette réunification entre ces deux être mus d’une volonté commune et destructrice. Ainsi, les paroles chaleureuses, l’attitude maternelle de la Dame emplissait les profondeurs du cœur de l’Ange Déchu de douces attentions. Effleurant du bout de ses doigts effilés la main caressante, le Fils Prodigue se releva, un sourire tendre illuminant son minois usuellement impassible.

Mère… vous avez guidé mes pas jusqu’à ce jour béni. Désormais, nous ne ferons qu’un et ensemble nous accomplirons notre Destinée.

Puis le sourire s’effaça alors que le poing du Fanatique enserra plus puissamment la garde de sa mythique lame. Par l’intermédiaire de ce clone il venait de recouvrer la vie, son enveloppe originelles restant prisonnière de la puissance matricielle. Les effluves de ce voyage dans les entrailles de la planète lui revenaient lentement. En ce périple virulent lui avait été dévoilé les secrets de son existence et l’essence même de ce monde aux milles secrets. Ainsi l’Humanité se devait de disparaître afin d’accomplir un doux rêve, transformer la planète en vaste vaisseau permettant de trouver un monde ou créer Utopia. Mais au cours de ces années d’errance s’étaient produits d’étranges évènements. D’autres mondes, par l’intermédiaire d’une force mystique s’était rallié à Gaia, offrant par là même un terrain de jeu et une quête de pouvoir plus vaste encore.

Avez-vous senti ô Mère, cette énergie voyageuse reliant ce monde à d’autres, encore inconnues à nos yeux. Peut être y trouverons nous le combustible à notre voyage vers un monde parfait.

Décadente Humanité… les victimes se compteraient par milliers et la Masamune se transformerait en Faucheuse, transformant le Soldat en Ange de la Mort. Ces milliers d’Êtres grouillants, souillants par leurs simples existences le sol des Mondes. Aucun ne devrait survivre, tous devraient découvrir la vraie nature de l’Enfer, seul lieu méritant de connaître leur présence.

Les sentez vous ? Ces Âmes en errance totalement dépravées. Le drame de l'homme se joue moins dans la certitude de son néant que dans son entêtement à ne point s'y résigner. Mais ensemble nous les pousserons à l’acceptation de cet état de fait.

Sephiroth se tourna alors, avançant de quelques pas, tournant le dos à sa génitrice, lui conférant par cette attitude une confiance totale. Sa main libre vint alors se poser sur son torse puissant, se refermant lentement. Les autres… il les sentait. Ainsi ce scientifique étrange lui avait donné une famille. Non, il y en a d’autre encore. Oui… il l’avait ressenti au cours de son voyage. Cette lutte entre la Rivière de la Vie et les gènes de Jenova, provoquant la création de soldat soumis aux désirs de la Terrible Dame.

Ils s’approchent. L’Armée née de vos gènes… je peux les sentir naître, n’ambitionnant que de vous trouver Mère. Oui ! Grâce à eux nous aurons une armée totalement vouée à vos ambitions. Partout, dans chaque lieu nous pourrons faire régner notre règne.

Un rire empli de sadisme émana alors des lèvres du Fanatique. Se retournant vers Jenova, cette dernière put constater les changements sur son minois. Cette joie née des retrouvailles avait déjà cédé sa place à l’ambition démesurée du Maître d’Armes. Ainsi elle savait qu’elle disposait d’une Arme Ultime, Furie Nihiliste.

Gaïa.
Elle se souvint du premier sentiment qui la transcenda lorsqu’elle approcha du système qui couvait cette boule bleue. Elle était si jolie, si pure, si grande… Une ressource considérable d’énergie qui lui permettrait d’agrandir sa gangue météoritique et la puissance de cette dernière. Ainsi, la conquête des Mondes serait décuplée et sa vitesse multipliée.

Jenova…
Malgré le mysticisme qui engonce ce nom, il n’était pas vraiment le sien. Un homme l’avait nommé ainsi, pensant qu’elle était ce qu’il espérait… Avait-il seulement imaginé qu’elle pouvait ne pas être une Cetra ? L’avait-il ainsi appelé pour fuir l’infime possibilité qu’elle n’en soit pas une… Cet idiot avait-il osé songer que ce Baptême l’aurait rendu meilleure…
Personne ne connaissait sa véritable identité ni son origine. Quel était donc son nom ? Pourquoi avait-elle quitté son monde originel ? La noirceur de son âme est-elle innée ou bien un malheureux résultat de néfastes actions passées à son encontre ? Son but réel était-il de trouver un monde parfait ? Et si c’était le cas… A quoi ressemblait-il en son esprit ?
Des questions qui resteraient sans doute sans réponse.

Sephiroth.
Dès sa création, Jenova avait envahit jusqu’au moindre atome de son organisme mais resta en sommeil pendant des années. Elle n’avait eut besoin d’intervenir pour que la folie meurtrière s’empare de sa raison et l’étudier ainsi pendant tout ce temps lui appris bien des choses sur l’Être Humain. Certes, au début elle l’avait considéré comme une aberration complète, bâtard indigne et répugnant né du vol infâme de ses cellules si parfaites… Elle deviendrait sa raison et lui le bras tenant l’épée. Il n’aurait plus d’autre fonction qu’un vulgaire pantin magnanime qu’elle s’engagerait à anéantir dès qu’il ne pourrait plus la servir.
Décidément, depuis le jour où elle posa son pied sur Terre, rien ne se passa comme prévu car l’homme à la Masamune devint un Maître et gagna le respect de la Calamité. Ce qui est exceptionnel puisqu’il devint son égal, ou presque.

L’Héritier s’était agenouillé face à sa génitrice avant de se relever sans que son regard ne la quitte. Ce dernier chatoyait d’une lueur admirative et amoureuse, un étrange bonheur qu’elle n’avait encore jamais ressentit chez lui… ni chez elle d’ailleurs. Son être s’en trouva transporter et ses pétales amers s’enquirent d’un sourire sincère, presque bienveillant.
Le Soldat d’élite palabra un bref instant avant de se détourner de sa Mère pour lui faire face à nouveau peu de temps après.
Les courbes sinueuses et dénudées se frayèrent un chemin entre les pierres lézardées et la Dame au derme lacté tendit son bras munit d’une main légère, dessinant une ligne horizontale parfaite, tournant à son tour le dos à sa Chair.

« Cette liaison entre les mondes est une excellente chose mais ce peut-être un danger. Si ces Etres, aussi méprisables soient-ils, se réunissent pour nous combattre, ils risquent de nous gêner. »

La paume hâve de la menotte tendue se tourna face au ciel embué et de son cœur s’extirpa les volutes blanchâtres et mouvantes, extensions de son corps pour retomber mollement sur le sol fangeux. Là, la chose informe se métamorphosa sous de multiples convulsions, puis serpenta telle la vipère entre les fougères pour écheler les cuisses de la Calamité puis le ventre et remonter ainsi jusqu’au cou gracile et muer.

« Mais soit patient Sephiroth… Avant d’agir nous devrons bien peser l’éventuel danger qui serait en mesure de retarder notre plan. Personne ne doit savoir que nous sommes revenus… Pour l’instant du moins. »

La masse informe se noua sur la peau liliale de Jenova avant de s’affiner rapidement pour mieux couvrir les galbes tendancieux de l’Origine et mimer une robe cintrée, faite de coton et bordée de soie. Enfin habillée, la jeune femme se retourna en observant son Enfant de ses iris aux éclats d’émeraude et inclina son minois avec une curiosité feinte, son regard perdant toute clémence.

« Je les ai moi aussi perçu.»

Le minois virginal et si doux arbora un rigorisme catégorique doublé d’un dépit flagrant, puis elle fit danser ostensiblement ses épaules nues en redressant son faciès qui perdait en dureté. Cetainement doutait-elle de l'efficassité de ses enfants à peine naissant...

«Ils devront s’entraîner...»

Après avoir repris une profonde inspiration, elle expira lentement et bruyamment, comme pour se débarrasser des quelques goûtes d’agacement qui lui restaient et approcha de son Héritier glissant l’index sous son menton en le mirant avec une indifférence que seul lui-même pouvait imiter.

« Béryl approche. Lorsqu’elle arrivera, nous partirons d’ici. »

La jeune femme orna ses lippes d’un sourire tendre et prononcé, contraste paradoxal entre sa nature et son apparence. Parfaitement humaine devant ses yeux cristallins et magnifiques, étrangement sombre et machiavélique derrière ceux-ci. Elle était faite de chair et de mystère et sous ce rideau argentin dormait une puissance terrible qui préméditait de sombres projets.

La Mue de la Dame s’exécuta alors qu’elle énumérait à son enfant ses visions relatives à l’état des lieux. Le calme régnant au sein de la Grotte créait un contraste avec les tourments destructeurs de ces deux êtres si semblables, disposant de cette flamme nihiliste et maléfique intense qui marquait leur inhumanité.
Ainsi la Morbide Reine semblait redouter l’union humaine, probable vestige de sa disparition jadis. Néanmoins la situation était désormais bien différente. Ainsi la solitude avait cédé sa place au bicéphalisme décisionnel, animant dans leur sillage d’autres personnes aux génomes proches. Première d’entre eux, Béryl approchait de sa famille à grande vitesse, la Réunion s’apprêtant à s’agrandir. Un sourire calme, tranchant le sadisme et la folie qui le dominait précédemment, se lisait sur les traits fins du minois fanatique de Sephiroth. Dans cette danse les faisant s’approcher puis s’éloigner, le puissant Maître d’Arme effectua le nouvel échange, se reculant d’un pas, posant ses iris dans ceux de sa vis-à-vis, prélude à sa prise de parole.

Les autres mondes représentent une chance Mère. Vous n’êtes plus seule maintenant et ensemble nous mènerons une armée qui nous mènera à la création d’un monde de paix, débarrassé de ces futiles sentiments humains qui ne mènent qu’à la déchéance.

Il pouvait la sentir… encore éloignée mais comblant cette distance avec célérité. Etait ce une faculté qu’il avait apprise au cours de son périple au cœur de la Matrice ? Ou alors ses gênes s’étaient ils si profondément renforcés ? Seul le constat importait finalement et l’Ange Déchu savait désormais qu’il pouvait ressentir la présence de ceux ayant pris conscience de leur existence en tant que soldat de ses projets… mieux encore, de leurs ambitions.

Béryl nous rejoindra vite. J’ignore sa façon de se mouvoir mais elle approche de ce lieu à grande vitesse.

En outre cette capacité à la localiser, le Fanatique pouvait entrevoir la puissance de sa jeune sœur. Et cela n’était guère engageant bien qu’il pouvait discerner avec précision le potentiel destructeur de la Demoiselle… ce qui le réjouissait grandement.

Elle n’est pas encore prête à mener à bien nos projets. Mais je ferais d’elle une grande combattante. J’ai moi-même besoin d’augmenter mon pouvoir afin d’invoquer celui qui détruira tout. Nous allons devoir nous amuser un peu avant de passer à la vitesse supérieure Mère.

L’invoquer… oui le Météore restait l’Arme Ultime qui ferait de leurs idéaux une réalité. Cependant son appel nécessitait une force psychique intense dont l’Ancien Héros ne disposait pas encore. Mais déjà germait au sein de son esprit machiavélique des ambitions mesurées qui lui permettrait d’assouvir ses pulsions morbides tout en accroissant ce pouvoir qui lui faisait encore défaut. Lentement il s’approcha de Jenova, sa main venant avec tendresse se saisir de celle de la Génitrice.

Nous devons déterminer nos projets à court terme Mère. Ne serait il pas bon de semer le trouble au sein de ces pauvres petites créatures qu’abritent ces mondes en semant le désordre au cœur même de leur ville les plus importantes ?
Cela pourrait se révéler… amusant !

A nouveau les lèvres du Fanatique s’ourlèrent en un sourire empli de sadisme. Son cœur le guidait vers la voie du chaos qu’il souhaiter semer sur son passage. Personne ne devrait échapper à cette pulsion qu’il tenait de sa Génitrice. Froide folie morbide, tel était le sentiment étreignant l’Âme de celui qui autrefois était adulé par les foules humaines.

La plèvre grisonnante drapait le nid des apostats, sinistre allégorie où se mêlaient incartades démoniaques et semonces hasardeuses… Sous les nébulosités brumaires et l’humidité ambiante, on décelait deux hautes silhouettes élancées, fardées de longs fils d’argent et de tenues atypiques. Elles semblaient palabrer, leur voix claire et froide se laissant entendre.
L’Être aux attraits féminins se tenait, droit et altier, face à son jumeau masculin, de grandes prunelles émeraude l’observant, cohobant quelques aperceptions vaporeuses, entrelacs d’amour et de haine perpétuelle. Enfin ses lèvres exaltèrent quelques ostentations dans une voix plus mielleuse et lasse qu’au début.

« Béryl va bientôt franchir le glacier. Elle ne sera pas seule. Nous pourrions aller à sa rencontre et lui éviter ce pénible périple mais nous n’en ferons rien. Je verrai bien si elle possède assez de volonté pour me rejoindre. Celle qui l’accompagne ne sera pas un obstacle mais reste sur tes gardes. »

Ses lippes blêmes s’ourlèrent en un sourire sadique à l’évocation perverse de l’épreuve –aussi sommaire soit-elle- que sa progéniture devait surmonter avant d’atteindre sa Génitrice. Les fins sourcils platinés se froncèrent ostensiblement, déployant toute la malice et le fiel que renfermait cette enveloppe délicate et gracieuse et lorsque les paupières coulèrent le long du galbe de l’œil pour se clore, un profond soupire de contentement émana des poumons de la Dame à la peau nivéennes.
Finalement, cette ignoble créature qu’est Ojo avait bien travaillé. Grâce à lui, Jenova s’en allait posséder une armée surpuissante vouée à son culte jusqu’à la mort… Lui qui avait souhaité s’en faire des pantins avait généreusement offert une légion à l’Alien. Ils seraient l’instrument de sa vengeance.

« Cher Ange. Dit-elle en tournant son minois séraphique jusque vers son Héritier, l’inclinant avec scepticisme. Es-tu certain de vouloir faire ce que tu dis ? Lorsque ma puissance sera à son apogée, tout disparaîtra. L’Être humain ne deviendra plus qu’un vague souvenir dans l’univers et tes frères mourrons. Tout ce que tu as connu ne sera plus. »

Dans les perles pellucides pétillait la vanité et la noirceur la plus profonde. Les doigts fins repoussèrent la chevelure soyeuse derrière l’épaule quasi dénudée et le menton se redressa affichant un sourire voilé avec difficulté.
Lorsqu’il avait saisit la main dolce de la jeune femme, celle-ci avait glissé, de son autre, un index flâneur sur la joue imberbe et le menton pour stationner sur les lèvres de l’ancien Soldat. Les iris délaissèrent leur masque blanc, arborant ce voile mystérieux de jade brute, quelques lueurs dorées et cérulescentes s’y logeant avec suffisance. Jamais aucun être n’avait pu contempler d’aussi près la pigmentation unique de son regard glacé… Tout du moins, aucun n’avait survécu.

« En ce qui concerne ton jeu… J’imagine que cela sera un excellent entraînement pour toi et Béryl. Bien qu’elle ait déjà répandue la mort, ce n’est pas assez. Elle ne doit plus les compter. »

Le brin albâtre de sa menotte s’en fut de ses lippes placides, lui permettant alors de répondre. Malgré cela il n’en eut pas le temps car les accords doucereux de sa voix enjôleuse s’égaillèrent.

« Sais-tu comment rejoindre les autres mondes ? »

Béryl…

Tel était le nom de sa Sœur. Jeune et encore fragile… Encombrante se disait il à cet instant. Néanmoins les changements au sein de l’univers depuis sa disparition dans le flux matriciel lui avait révélé la nécessité de ne plus agir en solitaire, comme il l’avait toujours fait jusque là. Ainsi d’autres qu’elle les rejoindrait. Il devrait développer un instinct fraternel dont il était dénué afin d’en faire des machines guerrières prêtes à servir ses folles ambitions. Cependant, plus encore que ces jonctions entre les mondes, une autre menace, indicible, se tramait aux confins des Cieux. Ignorant était l’Ange Déchu quant à ce pressentiment et il se décida à ne point élever au discours cet élément encore indéfini.

Elle dispose de nos gènes et parviendra à surmonter cette épreuve Mère. Ce sera la preuve de l’appartenance à notre caste.

Comme l’avait ressenti la Génitrice, la jeune Incarnée était accompagnée. L’Ancien Héros laissa son esprit vagabonder au creux des Monts enneigés, allant jusque retrouver les deux voyageurs. Un sourire étrange, mêlant malice et fourberie naquit sur les traits fins de l’Homme à la chevelure opaline.

Il sera intéressant d’observer ce compagnon. N’ayez aucune crainte pour moi Mère. Si cet individu se révèle inutile, je l’éliminerai.

Ton paisible contrastant la dureté des propos. La Mort était devenu le compagnon de Sephiroth, ce dernier s’arrogeant le droit de la semer selon son propre désir, se transformant en morbide Déité infernale.
Posant la main sur la garde de sa Masamune, le Maître d’Arme clôt un instant ses paupières, masquant à sa vis-à-vis son regard de jade. Inexpressif, découvrir les pensées du Fanatique relevait de l’hérésie pure, et cela même pour celle qui lui avait offert ses gènes. Telle était devenue la puissance du Démon, déjà prêt à voguer vers une nouvelle quête énergétique qui pourrait lui offrir la capacité de délivrer de sa prison de Mako son originel vecteur corporel. Lorsqu’il dévoila à nouveau ses prunelles, seule la détermination était lisible et de sa voix sans émotivité il s’adressa à la Mortelle Reine.

Je n’ignore point votre volonté Mère. Et le fait que je sois à vos côtés en cet instant prouve que mes aspirations sont identiques. Ensemble nous bâtirons un monde nouveau, dépourvu de la pitoyable faiblesse humaine qui sera éradiquée de notre main nihiliste.

Puis Sephiroth se détourna de la Dame, son visage se portant vers l’entrée de la grotte, observant le lieu par lequel pénètrera son premier disciple. A nouveau cette évocation lui sembla bien étrange. Mais peut être en tirerait il un bénéfice personnel. Du moins il savait que ce passage était nécessaire à la mise en place de ses projets.

Cette visite nous permettra de nous allier à la Mort ô Mère. Béryl est forte, mais elle ne dispose pas de lien qui fera d'elle une Impitoyable Machine qui éradiquera quiconque se dressera sur le chemin que nous aurons tracé pour elle.
Quant à moi... j'ai besoin de puissance. Ce corps dort depuis trop longtemps et seul l'acquisition d'une plus importante force me permettra de le libérer de sa prison. Et ce jour là marquera la Naissance d'une nouvelle Déité Mortifère qui, à vos côtés, réduira à néant l'espoir humaniste.

Ris froid et distant. La Fanatique dévoilait son ambition, tout au moins une partie. Cela aurait fait parcourir le frisson dans l’échine de tout humain. Mais Jenova n’était point de ceux là et Sephiroth n’ignorait point que ces discours devraient plaire à sa Génitrice.
A nouveau Sephiroth se déplaça, son pas altier et lent lui conférant un charisme indescriptible. Laissant son minois se mouvoir, il posa à nouveau son regard sur la Maternelle Nihiliste. Un énigmatique sourire parcourut le visage de l’Ange Déchu alors qu’à nouveau il s’apprêtait à discourir.

Le portail se trouve à Midgar Mère. Il nous mènera selon notre souhait. Je suggère que nous nous rendions dans cette ville à la Solde de la firme Shinra dès l’arrivée de Béryl. Nous pourrions y semer le chaos avant de visiter ces vastes espaces inexplorés que nous pourrons indexer à notre Règne.

Dernier rictus fanatique… Sephiroth se montrait plus nihiliste encore que la Suprême et Mortifère Calamité.

Sur les dalles brisées du sol poudroyant gisaient les stigmates impudiques de l’impacte de l’enveloppe maléfique, empuantis par le macule des siècles qui s’était écoulé dans la tourmente, au cœur de la brèche. La Toile mortifère que la Calamité des Cieux avait tissée sur ce morceau rocheux corrompu traversa les âges, pinacle d’or nimbé du feu du Schéol. La montagne fut éventrée pour devenir le symbole épouvantant d’une malédiction perpétuelle et une silhouette dantesque s’y était élevée, élucubrant un corps par sa simple volonté… Corps qui n’était certes pas vraiment le sien mais qui serait d’une utilité certaine jusqu’au moment voulu.

Les voiles ivoiriens biaisaient le long des gables mièvres de l’Entité, celle qui rôdaillait dans la panse du cratère depuis plusieurs jours déjà en préludant quelques schèmes spécieux à l’aide de sa progéniture.
Le sujet qui avait gagné en ampleur était celui de Béryl. Petite infante faiblarde au nébuleux dessein… La Candeur de son âme étira les lèvres doucement replètes de la Matriarche qui fit rouler ses billes de jade dans les orbes nivéennes avant de porter au sol un regard glacé mu d’avidité.

"Nous verrons bien."

Réplique brève au sujet qu’était Béryl et l’Être qui l’accompagnait.

"Cependant… Une autre aura a fait son apparition. Une étrange puissance que je n’arrive pas à cerner avec clarté."

Le minois flegmatique se distendit brusquement en des traits rageurs et inhumains. Les perles sinoples furent anéantit par une lumière vive qui les subrogea, les lippes discrètement souriantes dévoilèrent une dentition carnassière, un semblant de rage. La grotte vibrait à présent de part en part. Stalactites et monceaux glacés déchoyaient de leur dais rocailleux et sous leurs pieds se distendait un sol effrité, lézardé en large et en travers alors qu’une main crochue et veineuse, munit de griffes sombres et acérés se tendit dans le vide, délaissant la beauté pour emprunter une force insoupçonnée. Les longs fils argentins volaient en tout sens, comme affolés par cette puissance destructrice qui venait d’éclore dans la grotte, se mêlant à la danse saugrenue des étoffes qui couvraient le corps de l’Alien. Quiconque à proximité aurait ressentit une terreur telle que la Vie même l’aurait abandonnée. Le sentiment intolérable que la Lumière ne poindrait plus jamais à l’horizon sembla s’étendre au-delà de la montagne, enflant le cratère d’un désespoir mortel.

Des murs ébréchés et du parterre meurtrit, s’extirpèrent des morceaux infimes -mais excessivement nombreux- d’un métal obsidien inconnu, flèches minuscules qui se réunissaient sous la main de la Dame qui, elle, n’avait pas délogé la frénésie de son faciès dément, se contentant de sourire outre mesure. Une masse obscure se forma entre le plancher et la menotte ensorcelée de la Marâtre puis la grotte cessa de trembler, la chevelure redevint docile et les soieries s’assagir à leur tour. La matière brute se mua sous les yeux à la maléfique luminescence de Jenova, ainsi que sous ceux de l’Héritier, usurpant finalement la forme d’abord précaire d’une lame aux lueurs pourpres et bistrées mais enfin les lignes se firent plus fines et l’on put discerner une sorte de yatagan aux courbures féminines et cruelles gravées près de l’anse dans une langue inconnue et indéchiffrable.

"Mawta… "

Jenova perdit cette lueur chatoyante qui illuminait ses prunelles, les éclats d’émeraude y créchant de nouveau, le derme redevenant doux et juvénile.
Mawta était sans conteste le nom de cette lame particulière à la substance malléable et les iris, avides et amoureuses, semblèrent se souvenir des chevauchées passés sur d’autres planètes, cette ivresse de l’âme que l’on ressent pendant la bataille, juste avant de remporter la guerre, cette folie meurtrière et l’exaltation ultime…
La Dame posa tendrement le plat de l’épée sur sa joue, érigeant un sourire sur ses pétales maternels qu’on qualifierait d’heureux et fanatique à la fois…

"Cher Enfant. Nous visiterons, nous visiterons. Allons cueillir Béryl avant notre départ pour Midgar. Nous nous y arrêterons, j’ai quelque chose à faire."

Oui la Calamité avait changé d’avis et l’avènement de cette mystérieuse Energie en était peut-être la cause.
Les étoffes ivoirines transmuèrent progressivement en une longue pèlerine veloutée au bleu profond bordés d’une soie purpurine et argent munit d’un capuchon enténébrant. La finition du tissu était brodée d’une main de maître. De longues manches dissimulait jusqu’au dernier grain de peau tandis que Mawta s’enroulait tel une vouivre, autours du poignet, puis du bras de la Sempiternelle avant de disparaître sous la mante.

Les mains délicates se joignirent sous le lourd brocard et le visage albescent offrit un dernier sourire –aussi mignard que féroce- à Sephiroth avant de s’éclipser sous un masque d’albâtre au rire éteint, où les yeux n’étaient que deux fentes sombres et où aucune lumière ne transparaissait, simplement cerclées de figures cinabrines et singulières.

D’un pas traînant et sépulcral, la silhouette de la Dame s’enfonça dans les ombres inquiétantes et noduleuses.

"Allons à Icicle Sephiroth."

Icicle ====>